Lundi 20 septembre 2010
Pauvre République,
Même en remontant loin dans ma mémoire, je ne me souviens d’un tel délitement de la république et d’un tel dévoiement de la démocratie. Le très sérieux hebdomadaire anglais « The Economist » titre : « L’homme qui rétrécit » et l’on voit deux petits pieds sous un chapeau napoléonien derrière Carla Bruni-Sarkozy dans toute sa hauteur élégante. L’ONU, la Commission européenne, le Pape, de nombreux leaders politiques ou philosophes se sont insurgés contre la politique populiste de sécurité engagée lors du discours de Grenoble du 30 juillet. Depuis, l’inféodé ministre de l’intérieur, n’a cessé de mettre de l’huile sur le feu et d’être provoquant. C’est ainsi que la circulaire de son minsitère du 5 août demande aux préfets d’évacuer « en priorité » les campements de « Roms ».
Alors que l’affaire Bettencourt met en évidence les liens malsains entre Nicolas Sarkozy et les plus grosses fortunes de France, et alors que des millions de personnes sont dans la rue au sujet de la loi sur les retraites, le Président se permet de donner des leçons au Président de la Commission européenne, de mentir sur des propos d’Angela Merkel et d’humilier le Luxembourg. Trop c’est trop, car c’est notre pays qui se déconsidère au travers du comportement immature de notre Président. Sur le plan national, on voit un journal de réputation mondiale, comme « le Monde », déposer une plainte contre X dans l’affaire de la violation du secret des sources d’un de ses journalistes enquêtant sur l’affaire Woerth-Bettencourt. Tous les jours nous apportent la preuve des mensonges de ceux qui nous gouvernent et de leur obsession caricaturale à protéger le premier cercle des généreux donateurs, c'est-à-dire les heureux bénéficiaires du bouclier fiscal et des exonérations d’impôts. Bernard Tapie, protégé par Sarkozy, va toucher 220 millions d’euros dans l’affaire du Crédit Lyonnais, pris dans les poches du contribuable, après avoir touché 45 millions d’euros pour le préjudice moral qu’il aurait subi. Comme le dit François Bayrou : « Il ne s’agit pas d’une affaire Tapie, il s’agit d’une affaire d’Etat…Il faut rappeler que cette somme (220 millions d’euros) représente l’équivalent de l’impôt sur le revenu de plus de 200.000 salaires moyens en France…Ce sont les mêmes privilèges fiscaux, qui s’appliquent à Bernard Tapie et à la famille Bettencourt. Les classes moyennes sont ciblées, et les plus privilégiées sont mises à l’abri de la contribution fiscale. C’est contraire à tous les principes, à toutes les décences…Quand le vase est sous la gouttière, on ne peut pas savoir quand l’ultime goutte d’eau fera déborder. Mais, un jour, elle arrive. » Le vase de la République est clairement sous la gouttière de l’immoralité du pouvoir. Faut-il attendre la dernière goutte pour réagir et résister ?
Au niveau du débat sur les retraites, notre pays n’a pas donné non plus une image de démocratie apaisée. La gauche n’a pas su proposer d’autre alternative que de financer le déficit des retraites par l’impôt. Son comportement de blocage du débat à l’assemblée ne la grandit pas. Mais, de son côté, le gouvernement a fait preuve de mépris et d’absence d’écoute des syndicats. Cette réforme est indispensable. Le nier est faire preuve d’une absence totale de responsabilité. Mais la réforme votée est injuste sur plusieurs points fondamentaux. Cela a amené François Chérèque à sortir de son calme et à dire dans « Marianne » : « Quand une réforme est facteur d’injustice, je deviens explosif ! Mais, il est vrai que, pour des salariés confrontés à l’érosion de leur pouvoir d’achat et au risque de perdre leur emploi, les choix du gouvernement apparaissent scandaleux. La régression de la réforme des retraites est d’autant plus inacceptable que Nicolas Sarkozy, en maintenant notamment le bouclier fiscal, garantit par ailleurs les avantages acquis des classes les plus fortunées…Faute d’avoir pu prendre connaissance d’un programme alternatif convaincant, les salariés inquiets ne croient pas que la gauche ferait mieux que le pouvoir en place en matière de retraites. Pour la CFDT, penser faire reculer cette réforme en misant sur un changement politique en 2012 est une illusion à double titre. Historique si l’on se réfère à la réforme Balladur de 1993 inchangée en 1997. Mais aussi tactique puisqu’elle est fortement démobilisatrice. » L’un des points les plus injustes de la réforme est, pour moi, le report à 67 ans de l’âge pour obtenir sa retraite à taux plein. Il faut espérer que les sénateurs, notamment ceux du Modem, parviendront à infléchir la position rigide et injuste du gouvernement sur ce point. Dans son excellente intervention à l’assemblée, François Bayrou, après avoir dit que la nécessité de cette réforme s’inscrivait dans les chiffres et qu’il était « stupidissime » (formule employée par Michel Rocard) de faire assumer le déficit par l’impôt, a insisté sur le seuil de 67 ans en disant : « Permettez-moi de vous dire que lorsqu’ils entendent parler de retraite à taux plein , les Français pensent que les personnes concernées arriveront, bien que n’ayant pas suffisamment d’annuités, à avoir des retraites complètes. C’est un mensonge et une faute de présentation. En effet, il ne s’agit pas pour ces gens, d’avoir des retraites complètes ; il s’agit d’avoir le droit de faire valoir les annuités qu’ils ont acquises, même si elles sont en petit nombre, et d’avoir une retraite proportionnelle à ce nombre. Vous ne pouvez pas faire financer la réforme des retraites par les plus faibles des Français, notamment par les femmes qui ont arrêté leur carrière professionnelle pour élever des enfants…Je considère donc qu’il y a là une injustice radicale. Si elle était corrigée, je serais prêt à soutenir une réforme que j’estime nécessaire et qui pourrait être équilibrée. Si elle n’était pas corrigée, je voterais contre ce texte. »
Le passage en force du texte à l’Assemblée n’a pas permis de corriger les injustices et a renforcé l’hostilité des syndicats. Il reste au Sénat à nous redonner confiance dans la démocratie et la République. Espérons que les sénateurs en auront le courage ! Nous en avons bien besoin en ce moment.
Jacques JEANTEUR
MODEM