Libre opinion du Lundi 21 février 2011
Les conflits d’intérêts,
Commandé par l’exécutif en pleine affaire Woerth-Bettencourt, le rapport de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique a été remis le 27 janvier. Il préconise notamment d’inscrire dans la loi la définition des conflits d’intérêts et le principe de leur prévention, mais aussi : « les grands principes déontologiques et les valeurs qui doivent guider l’action des personnes concourant à l’exercice d’une mission de service public : la probité, l’intégrité, l’impartialité et l’objectivité…Ces obligations individuelles constituent tout à la fois le reflet et la traduction de l’exigence de neutralité de l’action publique et de la puissance publique prises dans leur globalité. »
Ce rapport arrive en pleine tourmente des nouveaux conflits d’intérêts dévoilés avec les vacances tunisiennes de Michèle Alliot-Marie, les vacances égyptiennes de François Fillon ou celles marocaines de Nicolas Sarkozy. A l’automne dernier, Martin Hirsch, ancien haut commissaire aux solidarités actives a publié un essai très utile et courageux « Pour en finir avec les conflits d’intérêts ». Il dit dans « Le Nouvel Observateur » : « Jamais nommée, la corruption douce des conflits d’intérêts se développe à mesure que la logique privée prend le dessus sur l’intérêt général de l’Etat…beaucoup de gens ont trempouillé dans la confiture des conflits d’intérêts. Pour qu’une réforme passe, il faut les rassurer ! Le but n’est pas d’aller poursuivre rétrospectivement la classe politique, mais d’assurer en profondeur pour l’avenir…Certaines déclarations montrent que le fruit n’est pas complètement mûr. Il faut continuer à faire pression. Je croirai à la loi sur la déontologie quand elle sera adoptée. »
Pour Daniel Lebègue, Président de Transparency France, et ancien directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, « Il faut que les hommes politiques prennent conscience que nous vivons une situation de défiance qu’on n’a encore jamais connue, que les baromètres de notre organisation n’avaient jamais mesurée à ce niveau. »Alors que la commission préconise le non cumul entre une fonction de ministre et celle de président d’un exécutif local (ce qui est le cas de Philippe Richert, ministre et Président de la Région Alsace et de Maurice Leroy, ministre et Président du Conseil Général du Loir et Cher.) Daniel Lebègue pense « qu’il faut aller au-delà et interdire le cumul d’une fonction de ministre avec toute fonction exécutive, évidemment au sein d’une collectivité locale, mais également dans une entreprise, un syndicat, un parti politique ou une association. »
Ce sujet est loin d’être anodin. Dans la plupart des grandes démocraties ces conflits d’intérêts sont rares et sévèrement réprimés. En France, ils existent depuis longtemps, aussi bien à gauche qu’à droite. Mitterand et Chirac en ont largement abusé. Ce dernier est encore logé par la famille libanaise Hariri. Depuis son élection en 2007, Nicolas Sarkozy a multiplié les escapades aux frais de mécènes, comme Vincent Bolloré, Roberto Hernandez Ramirez, notable mexicain soupçonné d’être un « narco-banquier », la famille royale du Maroc, le président égyptien Moubarak… Martin Hirsch est très clair sur ces sujets : « Lorsqu’un ministre est transporté en jet privé, il accepte un avantage financier qui le rend redevable vis-à-vis du donateur et crée un conflit d’intérêts. Nous devons aujourd’hui reconnaître l’existence de ce genre de situation et apprendre à les prévenir en créant des incompatibilités entre une responsabilité publique et un avantage venant de la sphère privée. » Un sujet voisin est celui des activités privées annexes exercées par les responsables politiques. Martin Hirsch est aussi catégorique : « En recherchant des revenus annexes, les politiques français prétendent compenser le sacrifice financier qu’ils sont censés faire en se mettant au service de la collectivité. Ils soutiennent qu’ils gagneraient beaucoup plus dans le privé. Mais, dépendre financièrement d’une entreprise du CAC 40 en même temps que l’on vote la loi française, c’est incompatible ! »
Le critère de l’argent est devenu tellement prioritaire au niveau des grands patrons et des responsables politiques que l’on assiste à un mépris complet de l’intérêt général. Les grands patrons sont au service exclusif des actionnaires, qu’ils sont eux-mêmes au travers des stock-options, et ils gagnent beaucoup en augmentant les profits par des licenciements nombreux. Les politiques se vautrent dans les avantages annexes et n’ont plus aucune notion de l’intérêt général et de l’exemple désastreux qu’ils donnent à leurs concitoyens. A ce niveau, le cas de Michèle Alliot-Marie est un exemple. Non seulement, son compagnon est également ministre, ce qui est inadmissible, mais elle profite outrageusement des largesses de dictateurs alors qu’elle représente la France, comme ministre des affaires étrangères. Savoir qu’elle n’a pas démissionné et qu’elle n’a pas été limogée, montre à quel point nous sommes tombés bas au niveau de la morale gouvernementale. Espérons que les élections de 2012 seront l’occasion de se séparer de tous ceux qui, à gauche comme à droite, auront fait reculer la morale élémentaire et auront ainsi terni l’image de la France.
Jacques JEANTEUR
Mouvement Démocrate